La logistique hospitalière

L'objectif de ce blogue est d'approfondir l'analyse de la situation actuelle des hôpitaux et d'amener des pistes de solutions qu'une bonne gestion de logistique peut avantager. Il est à noter que l'utilisation du mot «infirmière» est uniquement proposée que pour faciliter l'esthétique visuel et la lecture aux différents internautes.















vendredi

Une réalité qui frappe nos vies

Depuis plusieurs années déjà, le secteur de la santé - et plus spécifiquement les hôpitaux - est confronté à différents défis sociaux, économiques et politiques. Les gouvernements et les responsables des soins de santé au Canada reconnaissent que le système de soins de santé traverse une crise liée à la main-d’œuvre infirmière. Il témoigne du fait qu’il ne finance tout simplement pas assez d’heures de soins de santé pour les innombrables besoins en soins infirmiers. Par conséquent, les infirmières en poste ont une surcharge de travail et souffrent d’épuisement de toutes sortes.

Selon plusieurs données prisent sur le site Internet de  Santé-Canada, le manque de soins infirmiers aux points de prestation de services a trois causes profondes :


• une pénurie réelle d'infirmières comme (par exemple, un nombre réduit d'admissions aux programmes de formation des infirmières, une main-d'œuvre infirmière vieillissante);

• des problèmes de gestion des ressources humaines qui nuisent à la productivité maximale des infirmières aptes au travail (par exemple, un absentéisme marqué, la multiplication des heures supplémentaires, des taux élevés de travail à temps partiel, un nombre impressionnant de tâches non liées aux soins infirmiers, un cadre des fonctions restreint);

• un manque de fonds pour engager le nombre d'infirmières nécessaire à la prestation des soins demandés.
Ces trois facteurs fondamentaux, jumelés à une hausse de l'instabilité, de l'intensité et de la complexité des milieux de soins aux patients amènent une multitude de complications qui ne sera qu’exponentiel pour les prochaines années. De plus, l’érosion du leadership et de la responsabilisation dans le secteur des soins infirmiers, qui résultent de la réduction des effectifs effectuée au cours des années 1990, ont contribué à la hausse continue de la charge de travail enregistrée dans tous les milieux d'exercice des soins infirmiers.

A cet effet, dans un article rédigé par l’équipe TRIAX conseil, on trouve quelques statistiques passées et projections concernant la province du Québec :

• Le nombre d’infirmiers inscrits à l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec pour l’année 2000 – 2001 a diminué de 1500 membres.

• Les heures travaillées par le personnel infirmier a augmenté de 4 % entre 1999 et 2000.

• Le nombre moyen d’heures supplémentaires travaillées par le personnel infirmier a augmenté de 33 % entre les périodes 1998-1999 et 1999-2000.

• Tenant compte des besoins en personnel infirmier et le nombre moyen de nouvelles inscriptions par année au tableau de l’Ordre, dans 10 ans on fera face à un écart négatif de 2 230 effectifs au Québec et un besoin au cours de 15 prochaines années de 46 212 infirmières. Et cette situation de pénurie de personnel infirmier est rependue partout au Canada, où le personnel infirmier aurait diminué d’environ 4 % entre 1990 et 2000, tandis que la population canadienne a augmenté de 11 % cette même période. Selon ce même rapport, en 2011, le manque d’infirmiers se situera entre 59 000 et 117 000 au Canada et les projections aux États-Unis sont encore plus alarmante avec une pénurie estimée de 434 000 en 2020 .

• Si on se fie à ces projections, nous pouvons conclure que l’embauche des infirmiers (valeur ajoutée) deviendra de plus en plus compétitif (même à l’échelle internationale, car les États-Unis subissaient une pénurie de 126 000 effectifs en 2002), et qu’il faudrait trouver des nouvelles façons de faire qui permettront de réaliser des gains en temps infirmier, en plus de générer des impacts positifs à court, moyen et long terme.

Dans un hôpital, les infirmières ont pour tâche de prodiguer des soins aux patients. Mais les résultats de différentes études démontrent qu'elles passent jusqu'aux trois-quarts de leur temps à des travaux qui n'apportent rien aux patients… Donc aucune valeur à leur stratégie première de bien servir leur clientèle. Cela ne détruit pas que leur productivité, mais leur motivation et leur fierté à offrir leur service le plus efficacement possible (Drucker, 1993, p. 90).

Ces pressions ont conduit à repenser les approches administratives, notamment pour les fonctions de back-office dans les hôpitaux tels qu’une bonne planification de la gestion de la chaîne d’approvisionnement et de la logistique.

La gestion des coûts versus l’offre de soins

Nous savons bien entendu que le monde hospitalier est très complexe : nous parlons d’un environnement où les spécialistes de la santé sont des protagonistes, et où la culture de la gestion est reléguée à une deuxième place, car «la culture hospitalière refuse d’admettre, encore aujourd’hui, que l’on puisse mêler santé et rentabilité ». Par contre, il faut faire face à cette idée préconçue et expliquer que, si bien une des préoccupations principales du logisticien hospitalier est la dimension financière, sa préoccupation première est de mettre en place un flux de ressources et de moyens afin de s’occuper du patient de façon optimale au centre de soins (niveau de service). Il faut faire comprendre aux membres de la collectivité hospitalière que les activités de logistique hospitalière peuvent jouer un rôle beaucoup plus stratégique dans les centres hospitaliers de la province.

Si nous nous basons sur l’article de notre blogue  «Une réalité qui frappe nos vies», il y a concrètement deux principaux enjeux opérationnels et stratégiques de la logistique hospitalière dans le secteur québécois de la santé présentement :

• Pourcentage des ressources économiques qu’un centre hospitalier consacre aux activités logistiques et la possibilité de faire des économies à ce sujet.

• Pourcentage de temps des infirmiers dédiés à la gestion des activités de logistique hospitalière et la possibilité de réduire ce temps afin qu’ils redirigent leurs efforts vers leur mission principale : l’offre de soins.

D’après un article paru dans HEC Montréal MAG à l’automne 2005, «le milieu (hospitalier) ne manque pas d’anecdotes aberrantes. Un patient doit transporter ses propres films radiographiques trois ou quatre fois entre la clinique et l’hôpital, situés aux extrémités de la ville… Un autre patient, qui souffre de douleurs graves, fait cinq heures de route pour rencontrer un médecin spécialiste, mais ce dernier ne reçoit pas à temps le dossier du patient et doit reporter la consultation (car la technologie en matière de dossiers électroniques aux patients n’est pas encore au point)… Une infirmière épuisée par l’accumulation des responsabilités cliniques, des tâches logistiques et des heures supplémentaires décide de changer de métier… Un centre hospitalier fait venir par hélicoptère le matériel nécessaire à un traitement parce qu’il y avait rupture de stock… Autant d’aberrations, mais aussi autant d’occasions de réduire les coûts et d’améliorer la qualité des soins prescrits. »

À titre d’exemple, on vous montre ce lien qui donne accès à une nouvelle qui est apparue il y a quelques semaines.

Une enquête menée auprès de 2000 infirmières du Québec témoigne du fait que 85% des répondants ont constaté une très grande augmentation de leur charge de travail et que 76 % des gens disent ne pas avoir assez de temps pour faire leur travail (Bourbonnais et al., 1998). Les dirigeants du réseau de la santé ne paraissent pas tirer le plein potentiel des activités logistiques, car ils sous-estiment l’ampleur réelle de leurs coûts et des bénéfices qu’elles pourraient procurer.

Par conséquent, au niveau social, quel message transmettons-nous quand, durant une période de présumée pénurie, nous demandons à une professionnelle spécialisée de la santé ayant plusieurs années d’expérience et un background académique bien respecté de distribuer des repas, de nettoyer les liquides renversés, de chercher du personnel pour remplacer d'autres infirmières malades, de faire la navette entre les patients et les banques de sang ou les pharmacies, ou encore de servir de porteuse d'hôpital? Voulons-nous vraiment utiliser de cette façon ce que nous reconnaissons tous comme une ressource précieuse en voie de disparition? Probablement pas, mais pourtant, les hauts dirigeants du secteur public autorisent quand même ces abjectes pratiques.

Les résultats d'une décennie de recherche indiquent qu’il existe une corrélation directe entre le rapport infirmières-patients et l'état de santé des patients (Doran, McGillis Hall, Sidani, et coll., 2001; McGillis Hall, Irvine Doran, Baker, et coll, 2001; Needleman, Buerhaus, Mattke, et coll., 2002; O'Brien-Pallas, Irvine Doran, Murray et coll., 2002; O'Brien-Pallas, Irvine Doran, Murray et coll., 2001; Prescott, 1993; Tourangeau, Giovannetti, Tu et Wood, 2002).

D'une manière plus générale, un examen des études réalisées par Aiken et d'autres chercheurs et publié dans California Nurse (1999) conclut que les meilleurs rapports infirmières-patients sont directement liés à la satisfaction des patients, à leur qualité de vie lors de leur sortie de l'hôpital, à leurs connaissances, à leur observance des traitements et ceci aide bien entendu : à une diminution des complications pendant leur séjour à l'hôpital […] à des frais globaux réduits pour le gouvernement ainsi qu’à un séjour plus rapide et sécuritaire à l'hôpital (p.7).

Dans un même ordre d’idée, nous pouvons parler d’un autre niveau de service offert à la population mais cette fois si en ce qui à trait aux délais d’accès des patients à une opération dans le régime public de santé. Ce délai est calculé en 2005 à 17, 9 semaines selon la médiane et la pénurie d’infirmières en est pour beaucoup. Et selon Statistique Canada, il a été calculé que 9,8 % des patients sur la liste d’attente vont être affectés d’une façon ou d’une autre par des problème de santé. Ainsi ce délai d’attente touche non seulement le côté humain mais également celui économique et financier puisque ce stress, anxiété ou fatigue, etc. amène de nombreux patients à une incapacité de travailler.

Selon l’économiste Nadeem Esmail de l’Institut Fraser, il y avait 16 358 patients québécois en 2005 sur les listes d’attentes, de 20,8 semaines, en orthopédie. Et le salaire moyen était de 644$ avec 9,8% de patients affectés par un problème de santé sur la liste d’attente. Sur ce seul exemple d’orthopédie, le manque a gagné du gouvernement est de 21,5M$, globalement 155M$ au Québec et 732M$ au Canada. Pour plus d’information, le document est disponible à l’adresse suivante : http://www.fraserinstitute.org/

Ainsi, tous ces travaux et écrits amenés précédemment indiquent clairement que la clé du succès de l’amélioration du système de santé québécois doit être en lien avec une réingénierie des milieux de travail de la ressource la plus importante du réseau de la santé soit nos infirmières. Les résultats de nos recherches confirment de plus en plus que de tels changements rendront beaucoup plus efficaces le recrutement et le maintien de meilleures infirmières et autres professionnels de la santé. En outre, les patients seront en meilleure santé avec un niveau de satisfaction beaucoup plus élevés globalement.

Cette réalité frappante nous a fait décider de concentrer notre étude dans les diverses mesures qui pourraient être mises en place afin d’améliorer et d’optimiser le niveau d’intégration de la chaîne logistique des centres hospitaliers. Cette tentative ferait diminuer le temps investi par les infirmiers à des tâches à non valeur ajoutée, et, en tant que décision stratégique, aiderait à une meilleure allocation des budgets, lesquels devient de plus en plus restreint dans le milieu de la santé. Notre objectif global est ainsi d’optimiser l’organisation de la logistique hospitalière la plus efficacement possible afin d’atteindre un excellent niveau de service aux patients tout en réduisant le plus possible les coûts. Commençons par un petit historique de l’évolution de la logistique hospitalière.

Un peu d’histoire : l’évolution des pratiques logistiques et quelques dates

Avant 1950 : la majorité des hôpitaux n’avaient pas de service centralisé des achats (Formule – Produits). Chaque département gérait ses achats et ses stocks, ce qui était possible, car la variété des produits et fournitures restait limitées.


Après la Seconde Guerre mondiale : augmentation de la gamme de produits, ce qui compliqua quelque peu les tâches. En conséquence, une partie du temps du personnel de soins est utilisé pour la gestion des achats et des stocks. Donc, on adopte une approche centralisée des approvisionnements (Formule – Approvisionnement), service qui s’occupe des achats, de la gestion d’entrepôt et du contrôle des stocks.

Années 1960 à 1990 : l’augmentation notable des achats des biens et services oblige les décideurs à accorder des responsabilités additionnelles à la fonction approvisionnement (Formule – Fournisseur). Ces fonctions ajoutées ont deux aspects :

Intégration de la chaîne logistique interne des hôpitaux : fusion de la centrale de distribution et du service des approvisionnements pour concevoir le service de gestion du matériel. C’est ainsi qu’on élimine le gaspillage et les duplications dans la gestion du flux des matières, incrémentant subséquemment l’efficacité et la productivité.

Par la suite, suivait la gestion des stocks au point d’utilisation et les programmes de consignation pour certaines fournitures du bloc opératoire, ce qui permettait de capturer la valeur ajoutée que les fournisseurs pouvaient offrir.

Durant les dernières années : l’expression «logistique hospitalière» est de plus en plus courante. Elle favorise la vision intégrée du flux d’information, du flux des matières et du flux des patients à l’intérieur de l’établissement de santé, afin d’éviter que chaque flux soit géré de façon autonome sans tenir compte de ces effets sur les autres cycles de réapprovisionnement (Formule – Logistique Hospitalière).

Vous trouverez ici-bas le résumé de l’évolution du niveau de centralisation de l’approvisionnement et de la logistique sur l’impact de la performance globale de l’établissement de santé.


Hugo Rivard-Royer et Martin Beaulieu. Logistique hospitalière : Franchir les nouvelles frontières

Éléments reliés aux processus structurels de la logistique

Suite à cet historique de l’évolution hospitalière, il est essentiel d’expliquer clairement les différents thèmes que nous allons aborder. Pour ce faire, nous allons définir et décrire théoriquement la logistique hospitalière et la chaîne d’approvisionnement en lien avec le réseau de la santé.

La logistique hospitalière se défini comme un ensemble d’activités de conception, de planification, et d’exécution permettant l’achat, la gestion des stock et le réapprovisionnement des biens et des services entourant la prestation de services médicaux aux patients. (Landry et Beaulieu, 2000). En ce qui concerne la gestion de la chaîne d’approvisionnement, celle-ci vise essentiellement à assurer la circulation optimale des fournitures médicales, des produits pharmaceutiques, des aliments et des produis de la buanderie dans les différents établissements de santé.

La logistique hospitalière a un objectif principal soit d’optimiser l’organisation de la production de soins la plus efficace possible afin d’atteindre une très bonne qualité de service tout en réduisant les coûts.

La qualité du service est articulée autour de deux axes principaux:

- le patient : rapidité et respect des délais (délais d’attente du patient avant la prise en charge et pendant la prise en charge ou durée du séjour), et la satisfaction des préférences personnelles des patients;

- le personnel soignant : la répartition des charges de travail sur les différents membres d’une équipe de façon équitable (nature de tâches, horaires, etc.) afin de favoriser l’épanouissement de l’infirmier.


Attributions de la Logistique Hospitalière

Nous avons retenu le modèle suivant :
- Au niveau de la conception, la logistique hospitalière peut intervenir pour la structuration des ressources principales (plateaux techniques, imagerie,…) et pour l’implantation.

- Au niveau de la planification, la logistique hospitalière contribue à la planification du besoin des ressources (personnel soignant, équipement médical, etc.), la planification et l’ordonnancement des activités de soins et la réorganisation en fonction des aléas.

- Au niveau de l’exécution, la logistique hospitalière s’occupe du transport avec ses deux dimensions : interne (manutention, courses, etc.) et externe (ambulances, HAD, etc.), et assure aussi la gestion de stock et l’approvisionnement des produits consommables.
Nous pouvons également utiliser une autre approche soit celui d’envisager le rôle de la logistique hospitalière à un double niveau :

- interne : acquisition, réception, distribution des différentes fournitures utilisées en soutien à la prestation de service et associées aux extrants intermédiaires et finaux;

- externe : associée aux activités de suivi médical du patient en plus des services aux patients représentent les activités auxiliaires et non-essentielles offertes par l’hôpital : boutiques de cadeau, programmes religieux, etc.

Comme vous pourrez le voir dans les prochaines lignes, notre analyse portera sur l’analyse des bénéfices d’une amélioration de la logistique hospitalière dans le réseau de la santé de l’hôpital Sacré-Cœur, et plus précisément, les gains au niveau du temps de soins offert aux patients (valeur) par le personnel infirmier.

Coûts stratégiques de la logistique hospitalière

Nous pouvons partir du principe qu’une amélioration des activités de logistique hospitalière permettrait des économies tout en dégageant le personnel soignant de certaines tâches administratives leur permettant ainsi de consacrer plus de temps aux soins des patients dans un contexte où le temps (en termes de capacité) semble être devenu la ressource rare du réseau de la santé.


Voici la décomposition du budget total des dépenses d’un hôpital et leur pourcentage associé aux activités logistiques :
Source Chow Et Heaver (1994)



Ce tableau nous permet de démontrer que, outre les achats de fournitures et d’équipements, 75% des dépenses salariales du personnel de soutien et 10% des dépenses salariales du personnel soignant (infirmières) sont consacrés à la logistique hospitalière. Cet exercice permet de conclure que les activités logistiques représentent quelques 46% des dépenses encourues par un centre hospitalier en moyenne. Par contre, la réalité québécoise semble être quelque peu différente avec une proportion un peu plus élevé de main d’œuvre lié au budget globale soit un total jusqu’à 70 à 80 %. Ceci aurait pour conséquence de faire diminuer la proportion logistique des dépenses totales au Québec à 40 % environ.

De plus, la firme Raymond Chabot a présenté cette information dans le Journal Les Affaires du Canada le 21 novembre 1998 :

D’après les données recueillies, le temps réel des infirmières consacré à offrir des soins de santé aux patients ayant une valeur ajoutée pour la société est d’un peu plus de 28 %.



L’étude américaine EHCR (Efficient Healthcare Consumer Response), qui cherchait à préciser les pratiques qui éliminent le gaspillage et les inefficacités de la chaîne d’approvisionnement, indique que 48% des coûts de gestion de la chaîne d’approvisionnement des fournitures médicales et des produits pharmaceutiques pourraient être économisés par de meilleures pratiques, soit une économie de 11 milliards de dollars américains pour tous les intervenants de la chaîne aux États-Unis. La logistique hospitalière représente un appréciable réservoir d’économies potentielles non seulement financières, mais également d’énergie, en permettant aux professionnels de la santé de consacrer une plus grande part de leur temps au soin des malades par un meilleur soutien de prestation de services. Dans une optique stratégique, il faut ainsi promouvoir la fonction logistique au sein de la haute direction des établissements de la santé pour en arriver à un changement de culture de haut vers le bas.

À titre d’exemple, on montre les données ci-dessous, lesquelles ont été tirées d’une étude menée dans un centre hospitalier régional à proximité de Montréal. Le graphique représente la proportion du temps par secteur sur le total du temps consacré à la chaîne logistique interne pour gérer de la fourniture médicale. Selon l’étude de Triax Conseil, 20 % du temps des infirmières serait consacré à la logistique interne.


Ainsi, après avoir instauré quelques pistes potentielles suite au survol concernant la situation de pénurie des ressources humaines, le temps consacré aux activités logistiques et les possibilités en matières d’économies que le secteur public pourrait réaliser, les questions maintenant qu’on pourrait se poser sont:


Comment libérer le personnel soignant de certaines tâches administratives pour être plus proche du patient? Comment évaluer les effets ou économies potentiels si nous prenons des mesures concernant la logistique hospitalière?

Un cas réel : Hôpital Sacré-Cœur

L’hôpital de Sacré-Coeur de Montréal, fondé en 1898, est un centre universitaire suprarégional affilié à l’Université de Montréal. Cet hôpital est le seul établissement francophone d’importance dans l’Ouest de Montréal et dessert plus de 20 % de la population du Québec. Il possède 554 lits, répartis entre 30 services de soins infirmiers, des services techniques, d’alimentation et de diagnostic.  L’hôpital compte plus de 350 médecins, 1100 infirmières, 250 professionnels, 450 techniciens ainsi qu’une centaine de cadres pour desservir 20 000 hospitalisations annuelles avec un budget total de 278 millions en 2007-2008. Les plus gros services offerts sont : traumatologie, cardiologie tertiaire, santé mentale, pneumologue, pharmacie et médecine d’urgence.


À la fin des années 1990, le département de l’approvisionnement à acquis une mauvaise réputation, car il utilisait des processus archaïques avec une structure qui n’avait pas de valeur ajoutée : le département est perçu comme étant centré sur lui-même avec une gestion de la chaîne logistique interne très éclatée. Les 19 employés qui font parti de ce service sont divisés en 10 acheteurs et 9 magasiniers. Voici un diagramme du processus logistique de l’hôpital à la fin des années 90’s et une partie de son organigramme :


Organigramme partiel de l’hôpital :



En réponse à la pression exercée sur le personnel de soins et sur les autres membres des départements requérants, le Service des approvisionnements, au cours des dernières années, a augmenté son offre de services et mis en place une chaîne logistique, réduisant au minimum leur intervention.




Comme autres améliorations, certains changements ont été effectués, dont le réapprovisionnement en fournitures de plusieurs services requérants par le personnel du service des approvisionnements. Toutefois, en raison de la hausse constante des activités générales du centre hospitalier et des développements mis en place, le Service des approvisionnements arrivait difficilement à accomplir l’ensemble de ses activités opérationnelles quotidiennes, ce qui rendait difficile, voire même impossible, la révision et l'amélioration des processus. C’est en réponse à ces besoins que s’est inscrit le projet d’amélioration de la chaîne logistique d’approvisionnement qui vise les processus comportant un ensemble d’activités permettant l’achat, la gestion des stocks et le réapprovisionnement des biens et services entourant la prestation de services médicaux aux patients. Ce domaine d'activité plutôt méconnu, dont le potentiel d'amélioration et de gains est souvent sous évalué, a pourtant d’importantes incidences sur l'équilibre budgétaire et l'offre de soins d'un centre hospitalier.



Si on se fie aux projections de pénurie du personnel infirmier, le développement de nouvelles façons de faire permettra de réaliser des gains en temps infirmier, de générer des impacts positifs à court terme (quick win) et aura une importance stratégique capitale à moyen et à long terme pour le futur des hôpitaux.

Alternative de solution : Logi-D

Pour optimiser le coût de déplacement global des produits dans un hôpital, Il est important de comprendre qu’il y a des avantages et des désavantages à centraliser ou décentraliser le contrôle des inventaires. Nous partons de l’optique que certains produits engendrent une consommation trop faible ou occupent trop d’espace (conservé à un seul endroit) et d’autres sont stockés en de multiples localisations pour qu’on puisse y accéder plus facilement avec une meilleure flexibilité. Le point de départ d’une analyse sur le terrain est de construire un diagramme de gestion des flux de matières et de services afin d’aider à comprendre les interrelations entre différents processus et ainsi pouvoir apporter les ajustements qui s’imposent.

Constat de divergence entre la multiplication des tâches & le niveau de service à offrir à la population : La rapidité de la première ligne (front office) amène de la difficulté à centraliser et rationaliser les services à la population. La duplication des points de stockage s’impose afin d’assurer de la qualité du service. Le processus de réapprovisionnement n’est pas réalisé par une seule entité mais en partie par un magasinier ou le personnel infirmier avec peu de communication entre les services (absence de vision globale du processus ce qui nuit à la découverte de lacunes potentielles et d’avenues d’amélioration). Les divers intervenants aux points de service disposent de peu de temps pour vraiment gérer les stocks étant donné qu’ils ont d’autres tâches à accomplir, ce qui peut mener à des négligences et se traduire par des ruptures de stock ou du sur-stockage.
Qui entre les gens du magasin, les utilisateurs-infirmières ou les fournisseurs de produits devraient gérer les stocks, faire la commande de produits, réceptionner les commandes, payer les fournisseurs, réapprovisionnement les points de service, faire la prise de commande et d’expédition des stocks et fournitures ? Le déploiement des activités entre les différentes organisations de la chaîne d’approvisionnement exige une bonne compréhension des processus et de leurs coûts ainsi qu’un bon contrôle de mesures de la performance (KPI). La technologie de l’information peut également venir supporter tous ces processus d’amélioration.

Il y a des entreprises conseils qui concentrent leurs efforts dans de nouvelles façons de contribuer à l’efficacité du système de la santé.
Une organisation importante en matière d’intégration de solutions logistiques hospitalières au Québec est nommée Logi-D http://www.logi-d.net/. Cette entreprise démontre de manière très concise leur façon de travailler, afin que l’on puisse nous faire une idée de ce que nous pourrions implémenter dans le secteur hospitalier. Fondée en janvier 2000 sous TRIAX conseils inc., la mission de Logi-D est de contribuer à l’efficacité du système de santé par le biais d’améliorations constantes de la chaîne d’approvisionnement des centres hospitaliers. Ils ont également une affiliation de recherche avec HEC Montréal.
À l’aide des images de flux d'information et de matières ainsi que leurs principaux problèmes expliqués ci-dessous, nous comprenons de façon beaucoup plus détaillée la chaîne d’approvisionnement interne en milieu hospitalier que la solution Logi-D cherche à intégrer pour leur mandat :

La société TRIAX conseil a fait à l’automne 2001, une collecte des données concernant la situation de l’hôpital. Les résultats que TRIAX a obtenus montrent que le total annuel des heures consacrées aux activités de réapprovisionnement de l’ensemble des services demandeurs est estimé à 79 204 heures, soit 43,5 employés équivalent à temps plein. Ainsi le coût total de ces activités a été estimé à prêt de 1 627 000 $ avec un salaire horaire moyen de 20,54$ ou 37 400$ annuellement. Ce tableau décompose, en ordre d’importance relative, ces coûts entre les différents services observés.


Le rapport de TRIAX explique ces résultats en parti par :
• Un faible degré d’automatisation sur le plan des flux de matériels et de la transmission de l’information (TI)
• Un dédoublement des activités de réapprovisionnement (NVA)
• D’importantes interventions du personnel soignant dans la gestion des produits médicaux et pharmaceutiques (plus de 16% des coûts de la chaîne sont assumés par du personnel soignant réparti entre les unités de soins, l’urgence et les soins intensifs)
• Processus logistiques fragmentés parmi de nombreux services
• Équipements logistiques non adaptés à la taille de l’établissement (Installations)
Objectifs à atteindre par cette nouvelle vision logistique :

• Soutien aux activités cliniques
• Libérer le personnel clinique de tâches administratives;
• Prise en charge et optimisation du réapprovisionnement des services cliniques;
• Accélération du processus d’acquisition;
• Synchronisation des mouvements du matériel;
• Libérer les ascenseurs au profit des déplacements des patients;
• Optimiser les transports de la clientèle;

Outils et solutions disponibles pour des améliorations :

L’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal a été le premier site à avoir testé la technologie de radiofréquence pour le réapprovisionnement des fournitures aux unités de soins. La technologie est combinée avec un système de réapprovisionnement Kanban à double casier. Le système de double casier est doté d’étiquettes qui indiquent lorsqu’un des casiers contenant des fournitures est vide. L’étiquette est maintenant dotée d’une puce RFID qui peut lancer un signal de réapprovisionnement de la fourniture (ceci est expliqué de façon plus détaillée un peu plus loin). La technologie offre plus de flexibilité quant à l’horaire des rondes de réapprovisionnement, évite que du personnel se rende à l’unité de soins pour déterminer les quantités à réapprovisionner risquant ainsi d’interférer avec le travail de soins. Le système offre plus de sécurité quant à la présence des articles soutenant l’offre de soins.Voici un video qui montre la façon dont le RFID fonctionne:



Un total de 6 recommandations principales sont ressorties du lot afin d’améliorer la chaîne logistique interne de l’établissement :

1. Éliminer les activités de distribution de fournitures médicales par la centrale de distribution et de stérilisation et les activités de réapprovisionnement des fournitures par le service d’inhalothérapie, et les transférer au magasin. Ces deux services pourraient ainsi se concentrer sur leurs activités à forte valeur ajoutée directement reliées à leur mission respective dans le centre. Cette recommandation est rendue possible grâce à l’implantation du système de carrousels au magasin (recommandation 3) et du mode de réapprovisionnement par double casier chez les services demandeurs (recommandation 4), sans lesquelles les bénéfices de l’élimination des intermédiaires seraient beaucoup moins importants. Ces bénéfices dépendraient essentiellement de la réorchestration des activités de réapprovisionnement des fournitures médicales, tant pour les tâches de prélèvement des produits que celles des livraisons. (structure centralisée)

2. Synchroniser les livraisons de tous les produits en stock et hors stock ce qui consisterait à livrer tous les produits requis par un service, qu’ils soient en stock ou hors stock, selon une fréquence préalablement établie. Les produits faisant l’objet d’un besoin réellement urgent pourraient faire partie d’une livraison spéciale par le magasin, mais ils devraient être identifiés comme tels. La livraison unique permettrait de réduire considérablement le temps requis au réapprovisionnement des services demandeurs. (fréquence de livraison standardisée).

3. Implanter un système de carrousels dans le magasin. Les carrousels sont des équipements de stockage robotisés qui se substituent aux déplacements du personnel magasinier par la rotation des stocks autour d’un axe. L’installation de plusieurs carrousels élimine l’attente des magasiniers, maximisant ainsi la productivité lors des prélèvements et réduisant considérablement les possibilités d’erreurs. Le système d’information qui gère les carrousels permet la préparation de huit commandes (réquisitions) simultanément. De plus, l’utilisation interne d’un système de haute densité verticale permet de réduire les pertes d’espace de 40 % par rapport à de l’équipement de stockage traditionnel. Enfin, le papier est presque complètement éliminé puisque tout se fait par l’entremise du système d’information. (Technologie & Capacité)

4. Déployer un système à double casier (plein-vide) RFID dans tous les services demandeurs, à l’exception des services de génie biomédical et des services d’exploitation et d’entretien des immeubles. Ce système serait étendu à l’ensemble des produits en stock et hors stock utilisés de façon régulière. Cette recommandation respecte ainsi les particularités des services demandeurs au lieu de chercher à uniformiser les infrastructures quels que soient les contextes. Voici le processus démontré en image. (flexibilité du Kanban). Le lien suivant montre l’évolution, avant et après l’introduction du système de la technologie RFID de deux optiques différentes :
http://docs.google.com/View?id=drbmwsn_0k83cdh6m

Fonctionnement de la technologie RFID :


• Le transpondeur entre dans le champ de radiofréquence ;
• Le signal de radiofréquence du tableau active le transpondeur ;
• Le transpondeur transmet l’identification unique ainsi que les données ;
• Le tableau saisit les données ;
• Le tableau envoie les données à l’ordinateur ;
• L’ordinateur détermine les actions à prendre ;
• L’ordinateur donne les instructions au tableau ;
• Le tableau peut transmettre les données au transpondeur


Cette technologie est une technique automatisée de collecte d’informations et de données sur les gens, les produits, les endroits, les moments ou les transactions.

Elle consiste en :
• Une puce dotée d’une antenne

• Une identification effectuée en millisecondes:
Aucune ligne de visée n‘est exigée
Sans contact
Élimine le risque d’erreur humaine
• Des transpondeurs qui:
Emmagasinent des informations
Lisent et transmettent les données
Exécutent l'authentification
Plusieurs transpondeurs peuvent être lus simultanément.

• Sert par exemple à : suivre les actifs, identification les patients, authentification et de sécurité chirurgicale, etc.

Et de façon plus précise, les principaux avantages de cette technologie sont:
• Éliminer 50 % des déplacements du personnel de l’entreposage vers les deux secteurs cliniques visés
• Diminuer le risque de contamination des lieux causé par la circulation des gens
• Connaître les besoins de fournitures médicales à distance
• Accélérer le réapprovisionnement des services et unités de soins
• Diminuer substantiellement la pénurie de fournitures dans les secteurs cliniques

5. Adapter le choix de l’équipement de stockage aux besoins spécifiques de chaque service, en recourant à l’utilisation de deux types différents, soit l’équipement traditionnel et l’équipement à haute densité verticale. L’équipement de stockage utilisé devrait idéalement libérer le plus d’espace possible et être adapté au système de gestion des stocks de chacun des services. La capacité d’utilisation de l’espace a notamment des impacts sur le niveau de stock pouvant être conservé par un service donné et sur la fréquence de réapprovisionnement nécessaire afin d’éviter les ruptures de stocks. Une meilleure utilisation des espaces permet donc d’obtenir plus de souplesse dans l’atteinte d’un équilibre entre les coûts de stockage et les coûts de réapprovisionnement. (QEC : équilibre entre coût de stockage et d’approvisionnement)

6. Déployer le commerce électronique à l’ensemble des fournisseurs majeurs l’utilisant. Pour communiquer avec les fournisseurs ayant un faible volume d’affaires ou n’utilisant pas le commerce électronique, le service de l’approvisionnement a recours à l’utilisation d’un télécopieur et d’un fax/modem ce qui tend à augmenter les coûts du cycle de commande. Le commerce électronique réduirait les coûts, mais il réduirait également les risques d’erreur de transcription et de perte d’information, tant au Service des approvisionnements que chez le fournisseur. (Technologie : EDI)

Selon le rapport de TRIAX conseil®, l’application des recommandations a généré une réduction des coûts de 1,2 million de dollars et des économies de 1,8 million de dollars en temps infirmier sur une période de cinq ans.

jeudi

LES COÛTS : analyse de l’impact des solutions Logi-D sur le temps des infirmiers

Dans une perspective d’amélioration de la logistique hospitalière, le Service de l’approvisionnement a procédé, grâce à un projet autofinancé de 2,0 millions de dollars, à l’implantation de 24 stations de pneumatiques dans l’ensemble de l’établissement, utilisées notamment pour accélérer le transport des prélèvements vers les laboratoires, des premières doses de médicaments, des dossiers patients et réquisitions internes ainsi que de certaines fournitures vers les unités de soins.
Par ce lien vous trouverez notre méthodologie utilisée en extrapolant les résultats obtenus dans un centre hospitalier de Gronoble en France (en 2008) avec les recommendations de Triax Conseil. Vous trouverez troix différents onglet : la constatation, le Tableau écart ainsi que le coût bénéfice.


Cette analyse coût – bénéfice nous permet de conclure qu’un investissement de 2 millions de dollars aurait une VAN de plus de 13 millions de dollars sur 7 ans.

Une conclusion qui est plus une réflexion …

Le réseau de la santé est entouré d’outils et de solutions pouvant venir aider à supporter la panoplie d’acteurs en interrelations. La triade qualité, coût et accessibilité sont les 3 objectifs reliés à l’amélioration des activités de la logistique hospitalière. Ces 3 cibles sont les moyens pouvant aider à libérer le personnel soignant des tâches administratives pour consacrer plus de temps aux soins des patients. Le but en soit est ainsi de recentrer la gestion des activités logistiques sur des axes à plus haute valeur ajoutée dans les hôpitaux du Québec afin d’avoir le support d’une personne influente étant directement responsable de la bonne mise en œuvre des projets d’amélioration. 3 stratégies d’intégration de la chaîne logistique sont considérées dans ce processus soient : une circulation efficiente des produits, une gestion efficiente des commandes et la mise en commun transparente de l’information entre les différents services à l’aide de technologie de l’information comme les RFID ou d’autres technologies venant supporter les opérations. Ces trois stratégies ont comme objectif principal la réduction du temps – infirmière dédié à des tâches à non valeur ajoutée. L’investissement en cette technologie devra être contrôlé par une bonne mesure estimative comme l’intégration de la comptablité par activité (CPA) afin que les décideurs prennent des meilleures décisions stratégiques possibles en lien avec la réalité des coûts sur le terrain..
Si la fonction logistique est universelle, la structure hospitalière est en revanche spécifique et marquée par :
  • son cloisonnement,
  • sa hiérarchisation,
  • la multiplicité des organes et des pouvoirs qui la composent,
  • la diversité des métiers qui s’y côtoient (cf. environ 85 métiers).
  • la densité réglementaire.

Pour finir, la logistique hospitalière est un art et non une science ou modèle que nous devons juste répéter. Chaque modèle doit être construit selon les contraintes du milieu installée. La vie hospitalière est une exemple d’évolution sans fin qu’il faut constamment repenser selon les exigences du moment présent…